Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
124
LES DÉCORÉS

grise que leurs haillons, la honte de la souffrance et l’avilissement de la misère. Certainement ils s’estiment fort, les deux prêtres de l’art, et je serais bien surpris si leurs prières ne s’unissaient pas dans un culte commun.

Renoir est un maître, un de ceux dont s’honore l’école française ; la clarté de sa vision, la souplesse de son pinceau, la grâce de son dessin, la lumière de sa coloration, la sincérité de son observation, l’ont porté à une place d’honneur qu’il n’a d’ailleurs pas escaladée sans luttes âpres et amères. S’il avait eu l’ingéniosité de naître à l’étranger, il y a belle lurette qu’il dormirait sous des poutrelles en staf, qu’il collectionnerait des obligations multicolores, qu’il portraiturerait des dames suaves ou des boursiers véreux, et qu’il posséderait suffisamment de médailles pour organiser, entre intimes, une partie de tonneau, dans le hall Renaissance de son hôtel.

Sa nationalité malencontreuse ne lui suffisant pas, le malheureux aggrava son cas en affi-