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RENOIR ET RENOUARD

Dans une figure, Renouard choisit d’instinct le trait révélant la nature de l’être ; il souligne le geste démasquant l’impression, il résume en quelques coups de crayon tout un état d’âme. Il se garde bien de prévenir le sujet — j’allais dire le patient — qui se composerait une attitude et singerait une émotion dans une grimace. Non, il le laisse passer, son modèle, sans lui parler, sans l’arrêter ; il le regarde, le suit, l’observe, le happe, et crac, — ne bougeons plus — il a opéré en pleine sincérité, avant que le cabotin ait eu le temps de « faire sa tête ». Aussi les dessins de Renouard, toujours enlevés de verve et sur le vif, sont-ils empreints de l’éloquence, de la grandeur, et aussi de la tristesse qu’engendre la stricte observation de la vérité.

En effet, la jovialité n’est pas précisément la note de ce dessinateur qui rappelle certains humoristes anglais. De ses remarquables études sur la souffrance — soit en France, soit en Angleterre — sur les asiles de nuit, les