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LES DÉCORÉS

— en passant — à prévenir les étrangers désireux de visiter nos tribunaux et de se tenir au courant de nos mœurs, qu’il existe un moyen excellent de distinguer un homme de lettres d’un aigrefin : la plupart du temps, les premiers ont la boutonnière vierge de décoration, et les seconds sont officiers, commandeurs ou grand-croix de la Légion d’honneur.

Au dix-huitième siècle on comblait de faveurs « les beaux esprits » ; actuellement on préfère leur octroyer des casiers judiciaires. C’est plus économique.

Je reprends. Accusé, non sans fondements, d’avoir publié la Chanson des Gueux — un livre superbe de fougue et de crânerie, — le poète alla pourrir sur la paille humide des cachots.

Il aurait composé pour un café-concert une inepte obscénité qu’il se serait vu gratifié des palmes académiques, au jour de l’an. L’événement eût été désagréable, mais plus hygiénique, car l’air raréfié de la prison devait étioler ce