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ODILON REDON

nent, en vous enveloppant d’une lourde et impérative terreur.

Dans ces créations d’illuminé — échos d’un Au-delà menaçant — Odilon Redon ne se départit jamais d’un style de maître. Ses lithographies, colorées et chaudes comme des Gustave Moreau, possèdent des noirs veloutés et caressants d’une admirable facture ; les silhouettes effacées de ses évocations affectent des lignes délicatement harmonieuses, et certains profils de ses androgynes rappellent l’énigmatique inspiration d’un Masaccio et d’un Botticelli.

L’artiste — qui n’a jamais obtenu la moindre récompense, le plus léger encouragement — vit très retiré dans un modeste appartement du faubourg Saint-Germain. Sa voix est douce, son regard sensible et son front conserve la jeunesse des bons, sous les cheveux déjà grisonnants. Son âme, trop haute pour garder rancune des amertumes subies, oublie les viles attaques et les lâches méchancetés, et se ré-