Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
274
LES DÉCORÉS

pardonnent peu ; l’estomac de ma mère se dérangea, elle ne sortit plus, mangea à peine, s’affaiblit, s’alita, et… ne se releva pas. Voilà aujourd’hui ce qui me reste d’elle : tenez, ce buste que je m’entête à modeler de souvenir et dont la ressemblance que je poursuis m’échappe absolument. Et on prétend que j’ai du talent !


L’artiste se dirigea vers l’ébauche que j’avais remarquée en entrant. Il s’hypnotisa dans une contemplation muette, pendant que, d’un geste automatique, ses mains caressaient la glaise, comme pour lui insuffler la vie. Il m’oubliait, moi et la réalité des choses, plongé qu’il était dans l’évocation douloureuse d’un passé mort à jamais.

La nuit tombait, on ne distinguait plus que la silhouette fantomatique de la statue, enveloppée dans son suaire.

— Allons, Barcas, il faut aller dîner ; je vous