Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/20

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assez à nos buttes Montmartre et appelée la butte Conneau. On a calculé que, la marche des travaux continuant dans les mêmes conditions que pendant les dix années écoulées, il faudrait un demi-siècle pour mener à bien ce travail.

Remarquons que le travail des forçats, à l’île Nou et sur les camps répartis dans l’intérieur est d’un rendement à peu près nul. D’après un article des règlements, tout employé du gouvernement, ayant le rang d’officier, a droit à un ou plusieurs forçats, selon l’importance de son grade.

Les condamnés à la transportation remplacent, pour ces messieurs, les domestiques des deux sexes. Les rues de Nouméa sont remplies de ces malheureux qui promènent les « babys » de nos dirigeants ; ils sont, en outre, chargés de la lessive, de la cuisine, enfin de tous les soins de la maison et cela, sans la plus légère rémunération.

Les maîtres de ces esclaves ont, sur ceux-ci, droit de vie et de mort, pour ainsi dire. Je me souviens qu’un jour j’assistai à un spectacle lamentable. Un directeur de service topographique, gaillard d’une force herculéenne, rouait de coups, dans son jardin, un forçat d’une soixantaine d’années occupé, ce jour-là, au blanchissage. Il avait un peu brûlé, en la repassant, la robe de madame. Après la correction infligée, je descendis auprès du vieux forçat tout sanglant et lui demandai si les règlements ne s’opposaient pas à ce qu’un semblable traitement lui fût infligé.