Page:Jourde - Souvenirs d’un membre de la Commune.djvu/63

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Que faire ? Après une courte délibération, Ballière se rangea à mon avis. Je mis résolument barre sur l’embarcation si compromettante pour notre évasion. Ce que nous avions prévu arriva : le bateau sur lequel nous nous dirigions s’empressa de prendre une autre direction.

En effet, les surveillants militaires font leurs rondes de la manière la plus agréable. Quelquefois ils ont des femmes à bord, mais toujours ils profitent de cette promenade de nuit pour se livrer à leur vice favori, l’ivrognerie. À bord, ils ont toujours le soin d’emporter une forte provision d’absinthe, de cognac, de rhum et autres spiritueux. Aussi la ronde terminée est-ce dans le plus déplorable état qu’ils regagnent, sans être vus, leurs habitations. En apercevant une barque ressemblant assez par sa légèreté à une baleinière de l’État, ils furent sans doute convaincus qu’un officier était à bord et qu’ils allaient être surpris dans une situation des moins avouables.

Quoi qu’il en soit, nous eûmes la satisfaction de voir s’éloigner ces dangereux promeneurs de toute la vitesse de leurs rameurs, et, après avoir continué notre apparente poursuite une centaine de mètres encore, nous reprîmes notre route vers le P. C. E.

A ce moment nous fûmes surpris par une pluie diluvienne, les éclairs illuminaient les sommets des montagnes derrière Nouméa. Nous étions affreusement ballotés ; notre barque trop chargée pouvait, à la suite d’une fausse manœuvre, nous envoyer