ANNÉE 1893
oilà trop longtemps que je suis vague et embrouillée
dans mon for intérieur. Il faudrait sérieusement m’étudier
pour savoir de quel côté faire tourner la
barre.
Voilà cinq ans de vie intellectuelle, mon imagination a fait le tour des choses, mais j’ai laissé traîner toutes mes idées au point que je ne sais plus où j’en suis.
J’en souffre parce que je mène une vie qui m’est inférieure. Malgré mon horreur des journaux intimes, il m’arrivera de me permettre ces protestations contre moi-même, parce que c’est un stimulant.
Et puis, ne parlant plus[1], j’ai besoin d’être maîtresse de mon style, je le sens trop pauvre et il m’est trop insuffisant.
Rien de grand n’a été fait en ce monde avec de faibles convictions et Dieu semble avoir condamné toutes nos défail-
- ↑ Marie était, par sa surdité, privée des conversations normales. À aucun moment de sa vie elle ne fut muette.