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Le style est un rythme par soi, comme la musique. Il n’est ni allemand, ni français, ni anglais, c’est-à-dire qu’il l’est à la manière de la musique, immédiatement perceptible à l’es-

rit.

x Pour pénétrer une littérature étrangère, le meilleur procédé est encore de très bien juger de la sienne. Il n’y a pas de raison pour qu’on ne sente pas à l’aide de mots allemands, ce que l’on sent à l’aide de mots français. On comprend en entendant, à moins qu’on ne manque d’oreille ; mais, en ayant pour La- martine, il serait difficile de n’en pas avoir pour Heine, pour Shelley, pour d’Annunzio.

13 juin.

Il ne faut jamais dire oufl à des gens médiocres. Les imbé-

  • ciles sont convexes et les sots concaves ; ne nous y regardons

pas !

Et puis ces gens-là ne rient jamais. Rire ou sourire, c’est révéler ce qui vous amuse, ce qu’il y a de plus significatif au monde, et il faut être très sûr de soi pour se livrer ainsi. De plus, le rire est un accueil, une approbation, une politesse, quelque chose d’éminemment aristocrate et mondain, un peu la prérogative du droit de grâce de l’esprit. Je n’aime pas les heureux, mais je hais et méprise les tristes. è

Vendredi 16 juin.

Ce que j’ai lu ce matin dans Amiel : « Qui rend justice à la gaieté ? Les âmes tristes. Celles-ci savent que la gaieté est un élan et une vigueur. »

Je n’aime pas le socialisme et je ne demande, comme le prince de Ligne, qu’à être un abus de ce temps-ci. J’aime infi- niment le luxe ; mais j’ai à son égard tous les préjugés, ou, plutôt, tout le tact de l’Orient. Je suis malade, je suis outrée