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196 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

cerveau humain et sur de la litiérature. Est-ce que nous nous enthousiasmerions pour une religion dont l’unique bagage se- rait le catéchisme et des sermons de curé ? C’est la poésie de l’Évangile, l’éloquence de la Bible, le lyrisme des saints, la culture classique ou romantique des grands. sermonnaires, qui ont fait de l’émotion religieuse ce qu’elle est aujourd’hui.

Quand j’étais janséniste et que je relisais mes cahiers de copie, j’éprouvais de la gêne à reconnaître que sans les belles pensées, toutes littérairement exprimées, que je collectionnais là, je n’aurais pas envie de renoncer au monde et d’entrer au couvent. « J’ai aimé la beauté de votre maison et le lieu où habite votre gloire. » Qui dira combien cette admirable phrase, qui de suite nous serre le cœur, a fait de vocations ?

Lundi 18.

On s’en prend trop facilement de ses disgrâces à la nature. Il n’y a pas une gaucherie du dehors qui ne soit une gaucherie du dedans. Il ne faut rien attendre que de soi et, sous cette condition, rien n’a le droit de vous manquer, fût-ce l’argent, fût-ce la santé, fût-ce la beauté.

Il n’y a pas à se consoler de ses disgrâces par son intelligence. L’intelligence doit être une beauté physique, elle est médiocre si elle ne va pas jusque-là. Son rôle est de tout éclipser.

Vendredi 22 décembre.

Hier, dîner à la maison. Renée de M… m’a dit au milieu du dîner : « Il y a des jours où je pleure de rage pour toi. » La rage n’a pas besoin des pleurs. |

24 décembre. Dimañche.

Il y a des moments, quand je suis immobilisée dans mon lit, dans une réunion, où je prie, n’ayant rien de mieux à faire.