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256 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

que c’était commode pour réunir toutes mes notes, mais je ne serai jamais une romancière, n’éprouvant pas le besoin de chercher, hors de la vie, ne fût-ce qu’une trame et des noms. C’est se croire bien des loisirs, quand tant de vraies choses attendent nos curiosités.

Je me mets à un travail sur un révolutionnaire que je trouve trop peu connu, le plus jeune, à mon avis le premier acteur de la Révolution, Saint-Just, l’ami de Robespierre. Nous nous débarrassons de tant de curiosités morales avec ce mot facile : un fanatique !

Vendredi 20.

Réussir n’est rien, c’est un accident, Mais ne pas douter de soi est bien autre chose : c’est un caractère.

Je ne sais par quelle routine, quelle discrétion de petites gens, quelle superstition de sort à conjurer par la prévision de l’échec, ils attachent une valeur au scepticisme préalable !

La défiance de soi n’a de valeur ni au ciel, ni sur la terre. Les prétentions, au contraire, ont une valeur en soi, Elles sont une force avant et après l’échec. ’

J’emploie ma plus vertueuse résistance à me claquemurer aux sages conseils, à ne m’autoriser pas une appréhension. Dans quel but à la fin ? Gloriole d’almanach infaillible devant l’insuccès toujours plus probable : Je vous l’avais bien dit !

En vérité, le remède est plus honteux que le mal. Qu’est-ce que vous pensez donc souffrir pour attacher une telle impor- tance à votre anesthésie ? Quel soin de son cher amour-propre, qui, sans doute, ne survivrait pas à une déception !

| Jeudi 26 décembre. Chez les de F. à côté de X. — Votre ami Gréard.…. — ll n’est l’ami de personne. C’est le plus bel arriviste.. — Ne me dites pas de mal des arrivistes, je n’aime qu’eux.