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ANNÉE 1902

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Je refuse les consolations. Je ne veux rien avoir perdu. C’est- à-dire que la vengeance doit l’emporter disproportionnément sur le dommage fait. Cela est-il possible ? Peu importe, cela ne sera que dans la mesure tentée,

La qualité de mon attention est médiocre, il y a là une maf- trise à gagner. Le style est pour l’attention, avec la bataille rangée peut-être, un entraînement admirable.

Écrire apprend à choisir, à délibérer, apprend la décision motivée, apprend un infini dans les nuances et les impondé- rables du tact, apprend à coordonner, à vouloir et faire l’ordre, apprend la curiosité, c’est-à-dire le désir et la direction, c’est- à-dire la volonté.

Écrire apprend à saisir.

J’ai un besoin de style nullement littéraire, j’ai besoin d’écrire pour vivre et réussir ma vie, alors même que je n’im- primerais rien. En somme écrire étant la plus profonde ma- nière de penser, l’est également de vivre.

Écrire, c’est l’oraison. Réaliser par le style les cinquante années intérieures de sainte Thérèse,

15 novembre.

J’ai rangé la musique ce matin. Beethoven, Mozart, Schu- mann, les Echos d’Allemagne et jusqu’à mes études de Stephen Heller. Si je guérissais à 30 ans, ai-je calculé, j’aurais encore le temps de tout connaître et de tout jouer. D’ailleurs, un jour peut-être, quand je serai vieille, j’apprendrai à lire la musique,

Dimanche 23 novembre.

Quel radotage que Travail, bien un livré de vieillard, Est- ce que cette félicité de canaiïlle, ce bonheur de dimanches et jours de fêtes, tente le peuple plus qu’il ne me tente ? Quand Zola exécute son rêve de transmuter la somptueuse solitude d’un parc privé en préau d’asile pour la marmaille et les ména-

JOURNAL DE MARIE LENÉRU 18