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ANNÉE 1903

ANNÉE 1903 5 janvier.

aller et venir ces grands gaillards d’acteurs, la canne de

Sicyès et les gants de Péthion.. Voilà des choses qui pour moi ne seront plus jamais ce qu’elles sont pour les autres. Il ne s’agit pas seulement du « frisson historique » bien que j’y sois sujette au point que Molière — et dans le Médecin malgré lui ! — ait manqué me faire sangloter sur le devant de la loge. C’est le frisson de la vie. Et pas en artiste, pas en esthète, En morte, j’apporte au monde des émotions de ressuscitée.

De Quincey, à propos de ses cauchemars, parlait des foules qui l’obsédaient, de la « tyrannie de la face humaine », Or, elle m’a manqué à moi, dans la proportion où elle le poursuivait, la face, la figure humaine. Je les ai tous aimés hier, ces cabots hommes et femmes, d’être de la chair qui respire et qui veut, d’être des bêtes. Je crois que j’aime la vie humaine, que j’en ai la curiosité, comme si j’étais d’une autre race.

A l’acte du château, j’ai compris un autre prestige de la Cour, Toutes ces bêtes, variées, choisies, spécialisées, étique- tées, à portée des souverains. On éprouverait à les manier une jouissance de tactifs, comme à toucher de belles pièces d’échecs. Les généraux en chef ont connu cela : l’être qu’on peut manier et sacrifier. Cela crée un rapport nouveau d’œil à œil, quelque chose de plus rare, de plus poignant peut-être que l’amour.

Napoléon restera l’homme qui a possédé le plus vrai de la volupté humaine. Tous ces hommes qu’il a eus. Je ne parle pas des peuples qu’il n’a pu sentir, mais de ceux qu’il a vus,

\ Théroigne, Dieu me pardonne, je me suis amuséel Voir