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ANNÉE 1908

8 février 1908.

ne se sont pas naïvement trompés sur la quantité en se

désirant une vie éternelle. Il faut l’infini des possibles pour permettre qu’on ne les choisisse pas. C’est l’avenir limité qui rend le passé inacceptable.

BR" ne console parce que rien ne remplace. Les hommes

26 février.

Quand on est saturé de littérature on finit par ne plus vou- loir que des formes extrêmes : la plus-lyrique : poésie, et la plus sèche : théâtre. Car le théâtre, c’est l’essentiel du roman, sans remplissage et sans à-côtés, sans coloriages. C’est de la sculp- ture, et dans le moment on dirait que j’aime mieux sculpter.

L’autre jour, en passant la Seine à l’Alma, j’ai reconnu le printemps à la plus forte lumière. Pour moi, ce nouveau tour de roue après un insensible hiver, c’est la fatigue du jour qu’on voit se lever après une nuit sans sommeil. Perdre la notion du temps ! « Vous vivez toujours dans trois ans. » Mon présent aussi est fait de trois ou quatre années. Je sens trois mois comme les autres une semaine, c’est pourquoi l’impatience m’est inconnue. Si je suis rapide, c’est par amour du mouve- ment bien fait. Je suis irrémédiablement sans hâte et sans angoisses, Seulement je reconnais que la vie est plus parfaite