Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/76

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
76
JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Dimanche 29 avril.

Ah ! bien oui, me corriger de ce jeu de bonnes femmes ! je ne le pourrai jamais, il me serait plus facile d’attraper la lune avec mes dents. Hier soir, Fernande et moi, nous avons bavardé jusqu’à 10 heures et demie, mais de choses très inté- ressantes et qui, je crois, nous ont été utiles, Nous avons parlé de l’orgueil, cette chose épouvantable qui fait que l’homme se préfère.à ses semblables et qu’il veut s’élever au-dessus d’eux puis nous avons dit qu’il fallait essayer de ne plus commettre un seul péché par la langue ; nous souvenant de cette parole de l’Écriture sainte : « Les femmes seraient parfaites si elles ne péchaient pas par la langue. » En effet, la langue fait faire les mensonges, la médisance, la calomnie, etc. Je désirerais être muette pour cela, mais je me demande comment les muets se confessent. Hier, j’en ai eu une telle envie que j’allais le deman- der à Dieu, Heureusement que Fernande m’en a empéchée, car je n’ai plus si envie de le devenir maintenant. Mais si Dieu m’envoie cela, je crois que je le supporterais bien, Quel dom- mage que je n’aie pas la mémoire de Marguerite — (dans le Journal de M arguerite). J’aurais tellement voulu écrire notre conversation, elle était si intéressante. Je me souviens seule- ment que ce que les saints croyaient qu’ils étaient plus mau- vais que le démon n’était pas vrai pour eux, mais pour bien des gens et pour nous encore plus, D’abord, il a été le premier à pécher, il n’avait pas d’exemples sous les yeux, et puis, main- tenant, le démon ne peut plus reconnaîtrela bonté de Dieu ; ilne pourrait plus être bon. Puis, Fernande m’a dit qu’il ne fallait pas non plus être content de ses progrès dans la vertu, et qu’on devait tâcher de ne pas les voir : moi, je lui ai répondu que si, mais seulement pour reconnaître la bonté de Dieu et les lui attribuer, Malheureusement, moi, je ne peux pas en recon- naître beaucoup, car je n’en fais pas trop, c’est bien triste. Mais je laisse, car nous allons à la grand’messe,