de la neige[1] que j’avale. Voilà sans doute pourquoi je vous admire sans m’enivrer. »
— « Pour moi », répartit Lieou-thsing, « en écoutant vos discours, il me semble que je bois un vin capiteux ; sans y penser je m’enivre, et c’est trop pour moi d’une tasse de ce breuvage. »
Les deux amis se regardèrent en souriant, et continuèrent de rincer leurs tasses avec du vin, tant qu’à la fin ils parvinrent à la dernière période de l’ivresse. Alors Hoa-thian, ayant observé Lieou-thsing, se mit à rire, et lui dit ; « Tandis que vous buviez, la marée rose a envahi les pommettes de vos joues, et un halo blanc s’est répandu tout autour. Cela forme précisément cet heureux mélange de blanc et de rose que le ciel offre à notre admiration dans les femmes ; vous l’avez reçu dans tout son éclat. — Il y aurait de l’indiscrétion de ma part à mettre sur le tapis les personnes qui vous touchent de près ; loin de moi cette pensée ; mais à coup sûr, on ne peut pas naître aussi joli que vous dans des circonstances ordinaires. »
Lieou-thsing, qui était alors dans le royaume de l’ivresse, lâcha une réponse irréfléchie. « Je ne vous cacherai point la vérité », dit-il à Hoa-thian ; « lorsque ma mère me portait dans son sein, elle rêva que le Chang-ti[2] lui donnait une grenade avec sa fleur, et que, l’ayant reçue, elle la mangeait. Bientôt après