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Page:Journal asiatique, série 10, tome 18.djvu/546

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NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1911.

emprisonne la multitude des serpents venimeux ainsi que toutes les bêtes féroces et ne leur permet plus d’être en liberté. En outre, muni de la hache de la sagesse, il coupe et abat les arbres empoisonnés, et il arrache leurs souches ainsi que toutes les autres plantes impures ; en même temps il ordonne d’orner purement et majestueusement la salle du palais et d’y disposer un siège [pour la prédication] de la Loi ; il s’y assied ensuite. De même que, lorsque le roi d’un royaume a triomphé d’un royaume ennemi et haineux[1], il orne dans ce pays une salle élevée, il y place un trône et il juge avec équité tous les hommes, bons et méchants, de même agit cet Envoyé de la Lumière bienfaisante[2]. Quand il est entré dans l’an-

  1. Nous considérons [texte chinois] yuan comme l’équivalent de [texte chinois] yuan, et non de [texte chinois] yuan qu’indique le dictionnaire de Giles ; l’alternance est usuelle dans les manuscrits des T’ang.
  2. [texte chinois] houei-ming che. Ici apparaît pour la première fois une difficulté très sérieuse et qui va se répéter à travers toute la suite du texte. Il s’agit de savoir qui est désigné tantôt sous le nom d’Envoyé de la Lumière bienfaisante, et tantôt sous celui de Lumière bienfaisante tout court. Ses analogies avec Tsing-fong (l’Esprit vivant) sont certaines, et un ouvrage manichéen que cite notre texte (cf. infra, p. 556) affirme l’identité des deux. Mais d’autre part on ne s’expliquerait pas ce changement de nom sans un changement de personne, ou au moins d’aspect. On remarquera que si Tsing-fong est le démiurge du macrocosme, l’Envoyé de la Lumière bienfaisante est plus spécialement en rapport avec le microcosme, avec l’homme, qu’il défend contre le démon. Or ce dernier rôle est joué dans la cosmogonie manichéenne par un personnage spécial, qui est le « Heilsbote » du Fihrist (Flügel, Mani, p. 91. 250, 310-311), et qu’on connaît aujourd’hui surtout par Théodore bar Khôni, qui l’appelle le Messager (Pognon, Inscriptions, p. 189-190). M. Cumont a montré, grâce à une correction ingénieuse, que ce Messager, « troisième création » du Père de la Grandeur, était connu des Acta Archelai sous le nom de « troisième Messager » (cf. Cumont, Cosmogonie, p. 34 et suiv., 67 et suiv.). Or, de même que le Messager de Théodore bar Khôni évoque douze vierges qu’il énumère, nous trouverons plus loin (cf. p. 568-569) une liste des douze « formes » de la Lumière bienfaisante qui correspond rigoureusement aux douze noms de l’auteur syriaque. Il nous paraît donc que, quels qu’aient pu être les traits communs, les points de contact, entre Tsing-fong (l’Esprit vivant, le Saint-Esprit) et l’Envoyé de la Lumière bienfaisante, il faut en principe les