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Page:Journal asiatique, série 10, tome 19.djvu/393

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COMPTES RENDUS.

S. Ferarès. La durée de l’année biblique et l’origine du mot שנה [Extrait de la Revue de linguistique, 1912]. — Paris, Durlacher ; 24 pages in-8o.

Notre exégète quelque peu improvisé, un simple amateur, se complaît à redresser les traductions de termes hébreux dans la Bible, qui lui paraissent sujettes à caution. Après avoir expliqué, l’an passé, pourquoi il rectifie la version communément admise d’un verset de l’Exode (xxiii, 19), il s’attaque cette fois au mot שנה. Habituellement, on traduit ce mot par « année », soit lunaire, ou de 353 jours, soit solaire, ou de 365 jours, et l’on sait que, de cette façon, on n’est jamais parvenu à justifier la chronologie biblique, malgré tous les efforts de l’école harmoniste : Crux interpretum.

M. Ferarès propose de voir dans le terme en question le sens plus élastique de « cycle », applicable à toutes les époques envisagées successivement dans le livre sacré, aussi bien à l’époque antédiluvienne que postérieurement à Noé. Selon notre auteur, la durée du cycle » aurait augmenté graduellement, suivant l’état d’esprit de l’humanité au moment où les faits racontés dans le récit biblique se sont produits. Ce cycle serait d’abord de deux mois, ou d’un « redoublement » (שנה) de lunaisons, comme le mot חדש, dont la racine signifie « rénovation », a pris le sens de « mois » Or, selon la remarque d’Aug. Bonnetty[1], Censorin au iiie siècle de notre ère dit déjà : « En Égypte, aux temps les plus reculés, l’année, assure-t-on, se composait de deux mois, fixée plus tard à quatre mois. » Et que l’on ne se récrie pas sur l’invraisemblance d’une telle supputation : car en même temps, examinant la succession des dynasties égyptiennes, Brunet de Presle était du même avis, et même aujourd’hui, disait l’abbé Octave Rey[2], en plein xixe siècle, on trouve en Afrique des peuplades dont l’année n’a que quatre ou cinq mois lunaires. Dès lors, les siècles d’existence attribués aux fils d’Adam, ou à leurs descendants immédiats, deviennent plus admissibles. Voilà pour la première période.

Plus tard, pour la période d’Abraham, le « cycle » aura été de sept mois lunaires, d’accord avec la théorie de M. l’abbé V. Dumax[3]. Grâce à cette forte réduction, on arriverait à mettre en harmonie des faits bibliques avec les données de l’histoire d’Égypte, ou d’Assyrie, qui leur correspondent. En outre, la naissance si étrange du patriarche Isaac serait chronologiquement justifiée, conformément à la conclusion ana-

  1. Annales de philosophie chrétienne, 4e série, t. II (1850), p. 446.
  2. Revue biblique, 1893, p. 569.
  3. Revision de la chrono. biblique, p. 240 et suiv.