Page:Journal asiatique, série 11, tome 19-20.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
275
MÉLANGES.

tades d’un relativisme effréné, le Mahābhārata nous les a conservées en de saisissantes formules : « Le juste prend les apparences de l’injuste ; l’injuste, celles du juste » (adharmarūpo dharmo hi kaçcid asti, dharmaç­cādharmarūpo’sti). « Le droit d’une époque est l’illégalité d’une autre époque. » « La moralité n’est qu’un bavardage insensé » (dharmo bhavati pralāpaḥ), c’est la force, ou l’argent, qui font loi. — La seule réfutation qu’ont comportée ces sarcasmes, c’est celle à laquelle faisait allusion le texte cité de la Bṛhadārṇyakopaniṣad : l’affirmation d’une « vérité en laquelle le faible met son recours comme en un roi » ; de même qu’en Grèce Platon réfutait Calliclès en établissant l’existence, sinon dans l’ordre de la réalité sensible, du moins dans l’ordre du vrai, de lois non écrites (νόμοι ἀγράφοι).

Enfin l’autre fait qui nous paraît montrer, celui-là, que le Bouddhisme concevait aussi, à sa façon, le dharma comme une stabilité, c’est cette simple glose donnée par un traducteur chinois du mot de dharma, et rapportée par É. Chavannes dans sa traduction des Cinq cents contes (II, 259) : tchou tch’eu [texte chinois], le premier de ces termes signifiant « arrêter », le second « tenir ferme, gouverner, maintenir ».

P. Masson-Oursel.