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FÉVRIER 1839.

teur de son existence, ils cherchaient à éloigner de leurs descriptions toute pensée sensuelle. Ils ont exclu de leurs poésies ce qui pourrait rappeler la femme ; et, sentant l’impossibilité de généraliser en quelque sorte la beauté, ils ont pris pour modèles les seuls objets qui leur restaient. Les liaisons qu’ils ont décrites ne furent pas toujours le fruit de leur imagination : elles paraissent avoir existé quelquefois ; des hommes doués des mœurs les plus pures, des docteurs, zélés observateurs de la loi, des juges honorés de l’estime universelle n’ont fait aucun secret de ces inclinations ; ils ont même composé et publié des vers qui paraissent extrêmement suspects, et, cependant, ces mêmes personnes se seraient effarouchées d’un récit que nous regarderions seulement comme un peu libre. La connaissance de faits semblables porte toujours le lecteur à admettre facilement les récits des voyageurs sur l’état moral de l’Orient, et à juger avec sévérité des circonstances qui le frappent d’abord comme contraires aux bonnes mœurs : mais on ne doit pas oublier que tout étranger qui visite un pays, même européen, est fort exposé à se former une opinion défavorable d’après quelques faits particuliers ; il est toujours trop enclin à généraliser. Quand il s’agit d’apprécier la moralité d’un peuple oriental, les difficultés sont encore plus grandes : malgré un long séjour chez eux, l’Européen reste presque isolé, exclu de la société intime des indigènes, il ne peut juger que d’après ce qu’il voit ; et l’on sait que dans toutes