Page:Journal asiatique, série 4, tome 17-18.djvu/40

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— « Comment donc ? vous dans cette ville ! dit Wou-song, après avoir salué Wou-ta.

— « Ah, mon frère, depuis plus d’un an que nous sommes séparés, pourquoi ne m’avez-vous pas écrit. En vous voyant, je ne puis dissimuler ni mon ressentiment, ni mon affection ; mon ressentiment, quand je pense à tous vos désordres ; toujours dans les cabarets, toujours frappant, tantôt celui-ci, tantôt celui-là, toujours des démêlés avec la justice. Je ne me souviens pas d’avoir joui un mois du calme et de la tranquillité. Que de soucis, que d’amertumes, que de tribulations ! Oh, quand je pense à cela, je ne vous aime pas. Mais voulez-vous savoir quand je vous aime ? Écoutez-moi. Les habitants du district de Tsing-ho ne sont pas d’un caractère facile ; vous les connaissez. Ces gens-là n’ouvrent la bouche que pour dire des sottises. Après votre départ, ils m’ont trompé de mille manières, puis tant tourmenté, tant opprimé, qu’à la fin j’ai quitté le district. Quand vous étiez à la maison, nul n’aurait osé souffler dans ses doigts. Oh, quand je pense à cela, je vous aime. »

Au fond, les deux frères Wou-ta et Wou-song, quoique nés du même père et de la même mère, ne se ressemblaient pas le moins du monde. Wou-song avait huit tche [1] de hauteur, une figure singulièrement belle, des proportions athlétiques. Il était doué d’une force si extraordinaire que personne n’osait l’aborder. Wou-ta n’avait pas cinq tche de

  1. C’est le pied chinois.