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MARS-AVRIL 1898.

L’équivoque, ici, repose sur le sens de ghaná « frappeur »  : faut-il entendre « meurtrier » ou « marteau » ? L’une ou l’autre acception est possible. C’est le sens des épithètes qui les départagera.

Vibhvan, on le sait, est le troisième des Ṛbhavas ou artisans divins, qui fabriquent les armes d’Indra. Il y a donc double difficulté à appliquer à Indra en personne la qualification de vibhvataṣṭá. Que dire d’un dieu dont la majesté serait infinie et qu’on nous donnerait en même temps pour un objet fabriqué, ajusté, charpenté même, dans le sens le plus matériel du mot ? Il est vrai qu’en R. V. IV. 34. 9, les Ṛbhus ont « fabriqué » les Açvins, mais là le verbe tatakṣúr suit le mot dhenúm, et c’est naturellement à ce régime qu’il se rapporte avant tout ; il ne vise les autres qu’en vertu d’une sorte d’attraction logique, comme qui dirait « les Ṛbhus ont fabriqué la vache, etc. ».

Ailleurs, sans doute (R. V. VI. 3. 8), Agni, en sa qualité de Ṛbhu, a « fabriqué » les Maruts. Mais, bien qu’ils fassent cortège à Indra, il y a loin encore de cette bande de déités inférieures au dieu suprême du ciel et de la terre ; et, au surplus, aucune poétique, même orientale, ne s’accommoderait de la bizarre contradiction qui nous représenterait, dans une seule et même stance, Indra comme engendré par les deux mondes et tous les dieux, et fabriqué par un charpentier.

Quant à l’épithète ṛbhuṣṭhira (R. V. VIII. 77. 8), que Bergaigne rapproche avec raison de vibhvataṣṭá[1], elle n’a pourtant pas du tout la même signification : elle équivaut à « ferme par Ṛbhu », c’est-à-dire » solide, puissant, inébranlable grâce aux armes que lui ont fournies les Rbhus ; et nous rentrons ainsi dans la donnée mythique courante. Ce que Vibhvan a fabriqué, ce n’est pas Indra, mais ses accessoires de combat.

La conclusion s’impose : vibhvataṣṭá est appelé ici par

  1. Rel. Véd., II, p. 410.