Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

envoyer, car, même sans talents, il peut avoir une certaine influence sur le titulaire que l’on a en vue, et un bon secrétaire suppléera à ce qui lui manque en Angleterre. Nous parlons beaucoup des mesures à prendre, et cette aimable femme montre une précision et une justesse de pensée vraiment rares même chez l’autre sexe. Après avoir discuté une foule de points : « Enfin, dit-elle, mon ami, vous et moi, nous gouvernerons la France. » C’est une étrange combinaison, mais le royaume est actuellement en de bien plus mauvaises mains. Elle doit avoir ce soir une conférence avec le médecin de la reine pour le pousser à faire disparaître quelques-uns des préjugés de celle-ci. Je lui dis qu’elle peut facilement dominer la reine qui est faible et orgueilleuse, mais qui a bon caractère ; quoique débauchée, elle n’est pas très attachée à ses amants ; un esprit supérieur prendrait donc sur elle l’ascendant auquel les faibles se soumettent toujours, tout en résistant quelquefois. À ceci Mme de Flahaut répond avec un air de parfaite confiance qu’elle aura soin que la reine soit toujours pourvue alternativement d’amoureux et d’aumôniers. — Il est impossible de ne pas approuver un tel régime, et je crois que si ou met une dose convenable des premiers, elle pourra se passer de son médecin actuel.


2 octobre. — Je vais aujourd’hui chez La Fayette et je m’y invite à dîner. Je remarque que même au sein de sa famille militaire, plusieurs personnes sont toutes dévouées à la noblesse. Après dîner, je le prends à part et lui dis ce que je pense de sa situation ; il devra immédiatement discipliner ses troupes et se faire obéir ; la nation a l’habitude d’être gouvernée ; il faut qu’elle le soit. S’il s’attend à la conduire par l’affection, il en sera dupe ; jusque-là il est de mon avis ; mais au sujet de la discipline, sa contenance montre qu’il s’avoue coupable, car il a donné le commandement à des officiers qui ne savent rien de leur affaire.