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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

d’esprit là où seuls de grands hommes pourraient remplir la place. Il garde Necker dont il méprise les talents, parce que Necker est honnête et que l’on peut se fier à lui, comme s’il était possible de se fier à un timide dans des circonstances difficiles. Je vais chez Mme de Flahaut. Elle est avec son médecin, mais elle me reçoit un peu après une heure, et me demande de dîner en tête-à-tête avec elle. La reine se rétablit. Ce matin, le dentiste du roi est tombé mort à ses pieds. Le pauvre roi s’est écrié qu’il était voué à éprouver toutes sortes de malheurs. Il a eu cependant assez de présence d’esprit pour demander à Vicq d’Azir, le médecin, d’aller en informer avec douceur la reine qui était souffrante et pourrait se ressentir d’un pareil choc. — Mme de Flahaut est enchantée de la proposition de l’évêque. Je vais chez Mme de Chastellux. Elle est alitée et très malade, je crois, d’une toux effrayante qui devra avoir une issue fatale, si l’on n’en vient vite à bout. La duchesse entre et me fait de doux reproches pour ne pas être allé la voir au Raincy. Je rentre chez moi écrire et m’habiller, puis je vais au club ; je n’y reste que quelques minutes, et me rends chez Mme de Flahaut. Elle est sortie ; j’attends son retour qui n’a lieu qu’à trois heures. Elle me dit qu’elle a répété à l’évêque ma conversation avec La Fayette, dont justement je n’ai répété que des fragments qui ne pouvaient nullement trahir ses intentions, quoiqu’il ne me les ait pas communiquées comme un secret formel. Mirabeau doit avoir ce soir une entrevue avec le roi (entrevue particulière, dont personne ne sait rien, excepté nous).

Je la quitte pour aller chez M. de Montmorin. M. de La Luzerne s’y trouve, ils sont tous deux heureux de me voir, et comme ils ont eu une conversation assez sérieuse, je l’anime avec une gaieté qui produit le meilleur effet. Il est malheureux que ces gens n’aient pas les capacités voulues ; j’ai cependant travaillé pour garder Montmorin en place,