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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

ministère avant que tout ne soit bien réglé. Il nous lit sa proposition : elle est bien faite. Nous parlons ensuite des meilleurs moyens d’atteindre le but désiré, et je lui donne quelques notions des principes généraux qui tendent à la richesse et au bonheur d’une nation, et qui reposent sur les sentiments du cœur humain. Il en est frappé, comme les hommes de réel talent le sont toujours quand on leur révèle réellement la vérité ; c’est là, soit dit en passant, le principal charme de la conversation. Il est au contraire terriblement fatigant de remonter aux premiers principes pour ces esprits obtus qui voient juste assez loin pour s’égarer. Je laisse l’évêque avec Mme de Flahaut.


12 octobre. — Lundi. Je vais à mon rendez-vous chez Mme de Flahaut. Elle me montre une lettre à l’évêque, qui est parfaite. Sa profonde connaissance du caractère des hommes, et celle qu’elle a du monde, grâce à son influence sur les cœurs de ceux qui y vivent, les plus justes conclusions sur la manière de régler sa conduite, exposées avec la tendresse d’une amitié féminine, tout cela concourt à rendre parfaite une production faite à la hâte. J’avais bonne opinion de moi-même, mais je m’incline franchement devant une supériorité que je sens. Il y a quelques jours, elle me disait après avoir vu les traits de M. Jefferson : « Cet homme est faux et emporté. » L’arrangement dont on parle à présent pour le ministère est de nommer Necker premier ministre, l’évêque d’Autun ministre des finances et Liancourt ministre de la guerre. Mirabeau (qui a eu hier quatre heures de conversation, non pas avec le roi, mais avec Monsieur, et qui doit voir le roi aujourd’hui), désire faire partie du ministère ; il ne veut plus se contenter d’une ambassade. — Je la quitte pour aller chez Mme de Chastellux. Vers huit heures, la duchesse vient avec le vicomte de Ségur. L’on dit qu’environ cinquante membres de l’Assemblée nationale ont