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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

compter sur ce fonds. Je vais ensuite aux appartements de Mme de Chastellux. Elle me dit que le marquis de La Fayette a l’intention d’imiter Washington et de se retirer du service de l’État, dès l’établissement de la Constitution. Il peut le croire personnellement, mais rien n’est plus commun que de se tromper soi-même. Je soupe chez Mme de Laborde. Le comte de Luxembourg m’assure que l’opposition faite dans certains districts au rappel des gardes du corps a empêché l’exécution d’un plan. Je ne lui demande pas lequel, ne désirant pas le savoir. Il ajoute que M. de La Fayette a commis une grande imprudence en lui disant à haute voix, alors que beaucoup pouvaient l’entendre, qu’on ne pouvait l’accuser de l’avoir empêché. De ce simple fait je déduis qu’il existe contre lui beaucoup d’animosité latente, et que, tandis qu’il bâtit ses châteaux, d’autres s’emploient à en miner les fondations.


19 novembre. — Ce matin, pendant que le comte d’Estaing est avec moi, je reçois un mot de M. Le Couteulx. Il a passé trois heures hier avec Necker et le Comité de subsistance. Il dit que M. Necker veut traiter avec moi pour du blé à six shillings, mais que je peux obtenir six shillings et six pence, et qu’il a arrangé une entrevue entre Necker et moi pour sept heures ce soir. Il est obligé de partir ; il me demande en conséquence de songer aux moyens d’exécution, et de passer chez lui avant de me rendre chez M. Necker. Après une promenade dans les Champs-Élysées, je vais au Palais-Royal et je dîne avec la duchesse d’Orléans. De là au Louvre, pour chercher le billet que l’évêque devait me procurer pour l’Assemblée de demain. Je le reçois et vais chez M. Le Couteulx. Nous parlons des moyens d’observer les clauses du contrat, s’il en intervenait un. Il ne peut fournir ni crédit, ni argent. Je vois M. Necker, qui, à ce que j’apprends, attend une proposition ferme, et me dit que M. Le Couteulx avait