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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

8 janvier. — Je m’habille et je vais dîner aujourd’hui chez la duchesse d’Orléans. Elle a changé son maître d’hôtel, et je crois qu’elle y a gagné. Après le dîner, je rends visite au comte et à la comtesse de Chastellux dans un pavillon du Louvre, dans un grenier, à environ cent soixante marches au-dessus de la terre ; les mansardes sont petites, et les trésors qu’on y a réunis pendant des siècles provoquent une effroyable puanteur. La comtesse me montre une boîte, cadeau de sa princesse, qui avait envoyé un peintre au château de Chastellux, expressément pour en prendre des vues. Il est situé dans une partie montagneuse de la Bourgogne, près d’une petite rivière, claire et abondant en truites. Le comte et sa femme sont des gens d’intérieur. Combien ils pourraient éprouver de plaisir à respirer l’air de leur propre château, si les hommes pouvaient savoir ce qui fait leur bonheur. Mme de Ségur se trouve ici avec le maréchal. La duchesse vient et je lui fais une tasse de thé. Elle emploie beaucoup d’expressions flatteuses ; je n’en puis deviner la raison, mais j’incline à croire que cela est dû à l’inattention. Nous verrons. Après son départ, le chevalier de Graave nous lit le discours prononcé ce matin à l’Assemblée par le parlement de Bretagne. Il est écrit avec beaucoup de force et de précision, et montre que ses membres ont la confiance d’être soutenus par leur province.


10 janvier. — Je dîne aujourd’hui avec M. de La Fayette. Après dîner, il me demande quelle est la conduite à tenir en cas de désobéissance de la part des administrations provinciales et de celles de district, qui sont soumises aux ordres du roi, mais qui, étant électives, peuvent ne pas les respecter. Je lui dis qu’il n’y a aucune précaution à prendre ; cette institution est radicalement mauvaise, mais on ne peut la changer, tellement on a parlé au peuple de liberté ; il faudra nécessairement laisser au temps et à l’expérience le soin de corriger ce défaut avec