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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/19

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JOURNAL
DE
GOUVERNEUR MORRIS

ANNÉE 1789

1er mars. — Je soupe chez Mme de la Caze ; nous y faisons une partie de quinze. M. de Bercheny, n’ayant rien de mieux à faire, me pose une foule de questions sur l’Amérique, mais je vois bien qu’il se soucie peu des réponses. Désirant lui donner une juste idée de notre nation au moment où il me parlait de la nécessité d’avoir une flotte et des armées pour nous préserver des invasions, je lui dis que rien ne serait plus difficile que de vaincre une nation dont chaque individu, dans son orgueil d’être libre, se croit roi. « Et si vous le regardiez avec hauteur, il vous dirait : Je suis un homme. Qu’êtes-vous de plus ? — Tout ceci est très bien, mais il doit y avoir une différence de rang, et je dirais à l’un d’eux : Vous, monsieur, qui êtes l’égal d’un roi, faites-moi une paire de chaussures. — Mes concitoyens, monsieur, ont une manière de penser qui leur est propre. Le cordonnier vous répondrait : Monsieur, je suis heureux d’avoir l’occasion de vous faire une paire de chaussures. C’est mon devoir de faire des chaussures. J’aime remplir mon devoir. » — Mais

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