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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

contesta cette assertion, mais dans mes explications je cite quelques traits de sentiment féminin d’une telle vérité qu’une vieille dame présente déclare mon opinion abominable, mais craint qu’elle ne soit juste. Je ne puis rester pour finir la discussion ; à peine ma voiture est-elle annoncée que j’y saute et vais chez M. Necker. Je le mets rapidement au courant de la conduite des maisons hollandaises, et j’ajoute qu’il me faut aller en Hollande, avant de continuer mes pourparlers avec lui. Il paraît très désappointé. Je lui dis que je ferai tout en mon pouvoir pour conclure l’affaire selon ses désirs ; qu’il est possible que les États-Unis m’emploient, que, dans ce cas, par délicatesse, je refuserai de continuer ces pourparlers, mais que je les ferai reprendre par eux. Cela semble lui sourire davantage. C’est un homme dont il faut deviner les opinions. Aux manières de Mme Necker, je crois m’apercevoir que j’ai eu tort de négliger la maison depuis quelque temps. Peut-être y a-t-il d’autres raisons. Il y a des troubles en Bretagne, et le comte de Thiard me dit que les troubles viennent du Tiers, c’est-à-dire de bourgeois déguisés en paysans. Il existe évidemment une entente avec les membres de l’Assemblée. De là, je vais souper au Louvre. Mme de Flahaut m’informe que la reine a dit à Vicq d’Azir avoir appris que l’évêque est un homme de grands talents, et qu’il est important d’avoir des hommes comme lui. Vicq d’Azir répondit qu’un de ses amis intimes lui avait assuré que Sa Majesté n’aurait jamais à s’en plaindre. La reine sourit, disant connaître cet ami, à quoi le médecin répliqua : « Alors, Votre Majesté m’épargnera l’indiscrétion de le nommer. » Il lui donna la note que j’avais écrite, et que Mme de Flahaut avait copiée expressément. La reine dit que, tant que M. Necker restera en place, elle ne se mêlera pas des affaires de l’État.


3 février. — Ce matin, M. de La Chaise vient, et je passe le reste de la matinée avec lui. J’essaye de le persuader de