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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

seront revêtus du pouvoir en question, jusqu’à l’organisation des municipalités. Il me dit qu’il devra donner au roi des dragées pour son discours à l’Assemblée. Je souris et réponds qu’il n’a pas de dragées à donner ; on a déjà tellement fractionné le pouvoir exécutif qu’on ne peut plus le rendre au monarque. Il ajoute qu’il a pensé à nommer de Saint-Priest ministre de la guerre, avec Duportail sous ses ordres. Je lui dis que je ne connais pas Saint-Priest, mais quelqu’un qui le connaît m’a appris qu’il est faux, et je lui conseille de s’en assurer avant de se le donner pour maître. Pour Duportail, je ne dis rien, mais je le crois incapable, parce que je le crois trop homme de bureau ; je sais du moins que ses idées sur cette révolution diffèrent beaucoup de celles de La Fayette, Je dis à ce dernier que les finances de l’État sont en pleine route vers la ruine ; que l’anarchie semble les menacer, et même les attaquer de toutes parts ; c’est pourquoi il faut, par-dessus tout, être sûr de l’armée, qui promet d’être la seule institution qui survive. J’ajoute que si une guerre éclate, il faudra la conduire selon des principes totalement différents de ceux en honneur jusqu’ici ; il faudra placer de fortes garnisons dans les colonies, puis abandonner l’océan et suspendre entièrement le commerce qu’on serait incapable de protéger ; les navires que l’on pourra armer devront faire la course en corsaires ; il faudra marcher avec toutes les forces dont l’on pourra disposer directement sur la Hollande, et essayer de s’emparer de ce pays. Je n’ai pas le temps de développer ces idées, mais si c’est nécessaire, je saisirai l’occasion de les mettre par écrit. M. Short me dit que La Fayette l’a consulté ainsi que d’autres, ce matin, sur la manière de réprimer les émeutes. Je vais de là chez Mme de Staël, où je ne reste que peu de temps. Elle désire que je lui rapporte un roman d’Angleterre, s’il en paraît un bon. On lui a dit que je parle mal d’elle ; je lui assure que ce n’est pas vrai.