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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

hier de ne pas décerner au roi les titres de Sire ou Votre Majesté, et de le placer sur le même pied que son président, est revenue aujourd’hui sur toutes ses résolutions, car elle trouve que le courant de l’opinion à Paris est opposé à ces mesures. J’apprends que le comte de Montmorin n’a pas encore présenté au roi ma lettre sur les subsistances. Ce n’est pas bien, et je crois qu’il vivra assez pour s’en repentir. Chez Mme de Staël, il n’y a rien de marquant, sinon que, d’après la manière dont elle parle du discours du roi, je suis porté à croire qu’il n’a pas été écrit par ses amis particuliers. Mme de Laborde me demande ce que doit faire la reine pour devenir plus populaire. Après quelque réflexion, je réponds qu’elle devrait écrire une lettre à l’empereur, et s’arranger pour qu’elle soit interceptée, etc. Ce petit tour est excellent, s’il est bien exécuté ; sinon, il est bien mauvais.


10 octobre. — Les habitants de cette ville sont devenus étonnamment attachés à leur roi et méprisent complètement l’Assemblée, composée en général de ce que l’on appelait à Philadelphie les bas-bleus. Il existe pourtant une différence entre les deux capitales ; c’est que, chez nous, la pauvreté vertueuse est respectée, tandis qu’ici il est indispensable de briller. Jugez des conséquences. Et, pour éclairer ce jugement, il faut savoir que l’on est en ce moment à la veille de la banqueroute ; on ne pourra l’éviter qu’en augmentant la vigueur de l’exécutif. Cela devient plus évident de jour en jour, et Paris vit, pour ainsi dire, des intérêts de la dette nationale. Ces faits permettront de comprendre pourquoi, l’autre soir, à la Comédie-Italienne, comme on l’appelle, les gens du parterre criaient continuellement : « Vive le roi, vive la reine, vive la famille royale, Sire, vive Votre Majesté ! » Ces mots sire et majesté, ou le sait, avaient été proscrits par l’Assemblée, qui fut obligée, sous la pression du sentiment populaire,