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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

faute, car il avait si formellement fait connaître sa détermination que le roi s’exposait à l’affront d’un refus, mais s’il avait dû consentir à rester au cas où on le lui aurait demandé, cette demande eût été faite. Il ignore s’il restera au Conseil. Il a dit au roi qu’il resterait, si celui-ci le désire, mais il veut que Sa Majesté examine bien l’affaire à l’avance, parce que si, plus tard, Elle trouvait à propos de le renvoyer, cela leur ferait tort à tous les deux. Malouet vient pendant le dîner, et nous causons ensuite. Il me confirme que de Montmorin n’a aucune influence.


29 octobre. — J’ai eu une longue conversation avec Mme de Beaumont chez Mme de Staël. Celle-ci souffre énormément du renvoi de son père. L’ambassadrice d’Angleterre me dit qu’elle a renoncé au jeu en même temps que lord Gower, et elle pense que je les aime assez pour en être content. Je l’assure de mon attachement, plus par mon ton et mes manières que par mes paroles, et je crois que la semence n’est pas tombée sur un sol ingrat. Brémond me fait sortir pour me dire que les émigrés comptent rentrer en janvier, et que la reine a enfin consenti à agir de concert avec les princes. La nouvelle en est arrivée aujourd’hui en droite ligne du prince de Condé. J’ai peur que la cour ne complote quelque chose en sous-main ; s’il en est ainsi, elle risque le certain pour l’incertain.

Les nouvelles de Saint-Domingue sont bien mauvaises ; je les crois exagérées, mais les nègres sont révoltés et s’occupent à brûler les plantations et à massacrer leurs maîtres. Moustier dit qu’il s’imagine que M. de Montmorin cherche à se réserver l’ambassade d’Angleterre, et à le faire envoyer en Suisse. Il est décidé à s’en ouvrir à la reine. Je lui conseille de n’en rien faire, et je lui communique les nouvelles que j’ai apprises ce matin.


30 octobre. — Visite à Mme de Ségur ; elle m’apprend