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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

venir au secours de l’administration, et surtout d’aider la population malheureuse, sans qu’il y ait là la moindre préoccupation pécuniaire.


8 avril. — La procession de Longchamp nous fait voir un étrange mélange de mauvais fiacres et d’équipages superbes, avec tous les degrés intermédiaires. Pendant ma visite à Mme de Chastellux ce soir, la duchesse d’Orléans fait savoir qu’elle ne peut pas venir comme elle en avait l’intention. Mme de Chastellux me dit que la duchesse avait remarqué que je n’étais pas venu depuis quelques jours, et qu’elle aurait voulu me voir ce soir chez Mme la marquise. C’est là un badinage que je commence à comprendre, et je n’y vois rien qui flatte ma vanité. Tant mieux. J’assure Mme la marquise de ma vénération et de mon affection, etc., pour les vertus de Son Altesse royale, et je le fais avec beaucoup plus de sincérité que ne devrait l’espérer une personne de son rang. Elle m’assure que Mme de Rully est une friponne. Je réponds que cette nouvelle me désole, car je m’en étais épris au suprême degré, et que je suis tout abasourdi de cette communication. Tout cela s’entend.


12 avril. — Visite à M. Le Normand à la campagne. Je suis très surpris d’apprendre que les moutons sont mis à couvert pendant l’hiver. J’attribue ce fait avec d’autres à une ignorance profonde de l’agriculture, car cette science est réellement très peu comprise en France. On la cultivera à cause de l’anglomanie qui actuellement sévit sur ce pays. Si l’on améliore en même temps l’agriculture et la constitution, il sera difficile de prévoir la puissance future de la nation, mais les Français semblent faire des progrès bien plus rapides dans les beaux-arts que dans les arts utiles. Cela vient peut-être du gouvernement qui opprime l’industrie, mais favorise le génie. Nous avons ici mille preuves que le propriétaire ne sait pas calculer ; c’est ainsi que