Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
300
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

l’Angleterre veut garder une stricte neutralité, en cas de guerre avec l’Empereur. Il lui fut répondu que l’Angleterre ne pouvait prendre un engagement quelconque au sujet des affaires de France. Il ajoute que l’évêque n’est plus reçu nulle part maintenant, parce qu’il s’est vanté d’un crédit d’un million qui devait faire des merveilles, et qu’il a constamment fréquenté les dissidents. Il me dit que le jeune Laborde a écrit une lettre qu’il a vue, disant que l’on voulait sonder les cabinets de Londres et de Berlin ; que le cabinet anglais veut assurer l’indépendance de Saint-Domingue et autres îles françaises, ce qui rend inutile l’offre de Tabago ; l’on s’attend que la mer démolira Cherbourg dans son état actuel inachevé, et, en tout cas, l’on s’en désintéresse tant que la marine française restera dans la même situation ; quant au traité de commerce, son absence est remplacée par la contrebande, qui est excessivement facile. Mais la possession des Pays-Bas par la France est de première importance, et on ne la souffrira pas. Le comte de Woronzow a parlé contre M. de La Fayette dans les termes les plus violents que j’aie jamais entendus. Il dit que, bien qu’élevé en militaire et obligé quelquefois d’ordonner des châtiments, il n’a jamais pu assister à une exécution, sa nature se révoltant à la vue du malheur d’un homme ; mais si La Fayette et le duc d’Orléans devaient être roués vifs à Falmouth, et qu’il n’eût d’autre ressource pour le voir que de s’y rendre à pied, il partirait immédiatement. Ce langage est violent.


13 mars. — Ce matin, M. Jaubert a déjeuné avec moi. Il est venu de Paris me consulter de la part de M. de Monciel pour savoir s’il doit accepter une place dans le ministère. Je suppose que c’est celle des Affaires étrangères, comme la seule faisable. Il m’informe que de Narbonne s’est rendu notoirement coupable de péculat, et qu’après avoir vendu des adjudications pour l’armée, il a tenu