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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

Londe. M. Swan vient me voir, et affirme que l’idée de ne pas me recevoir a été lancée par M. Short, mais je n’en crois rien. Il ajoute que La Forêt a écrit aux ministres d’être sur leurs gardes, pour ne pas se laisser jouer par moi.


12 mai. — Je dîne chez Mme de Foucauld, où se trouvent de nombreux aristocrates. Les correspondances des différentes armées sont unanimes à affirmer que la discipline est parfaite. À mon départ, Tronchin, qui est un grand révolutionnaire, m’expose ses craintes et demande mon avis. Je lui dis que le rétablissement du despotisme paraît probable, comme conséquence nécessaire de l’anarchie. J’ai loué une maison rue de la Planche pour 3,500 francs par an. Je vais à la manufacture d’Angoulême, et fais une commande de porcelaine. Mon domestique Martin dit qu’il ne peut me servir comme maître d’hôtel, à moins que je ne lui donne un frotteur ; il demande son compte et je le lui règle. Au moment où je sors, le baron de Grandcour m’arrête pour m’apprendre les nouvelles. Il me dit que deux régiments et demi de cavalerie sont passés à l’ennemi ; les troupes sont partout en révolte, et l’armée de La Fayette est dépourvue des choses les plus nécessaires : les chevaux sont morts, les hommes malades et fatigués et les officiers anxieux et mécontents. Je me rends ensuite à l’ambassade d’Angleterre. On considère ici la France comme à la dernière extrémité ; tout devra être terminé dans quelques semaines. Mme de Montmorin exprime le désir de voir l’armée de La Fayette complètement battue ; elle croit cela nécessaire pour détruire les espérances des révolutionnaires. Mme d’Albani me dit, entre autres choses, que sa parente, Mme de Tarente, est heureuse de mon retour. C’est la satisfaction ressentie de mon côté qui indispose les autres contre moi ; du moins, telle est l’explication que j’en donne.