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APPENDICE.

chinois, n’aurait que peu de clients à Londres ou à Paris ; et ceux qui veulent emprunter à l’Amérique sa forme de gouvernement ressemblent à ces tailleurs de Laputa qui, au dire de Gulliver, prennent toujours leurs mesures avec un quart de cercle. Il nous dit, il est vrai, ce à quoi l’on doit naturellement s’attendre, que les vêtements sont rarement ajustés. Le roi qui s’était déclaré pour le peuple depuis longtemps, est maintenant indécis. C’est un honnête homme, désirant vraiment faire le bien, mais il n’a ni le génie ni l’éducation nécessaires pour lui montrer le chemin vers ce bien qu’il veut faire. Dans la lutte entre les représentants du peuple et ceux des nobles, son entourage l’a amené à prendre parti pour ces derniers, mais il s’est prononcé trop tard et maladroitement. Il en résulte qu’il a battu en retraite et que les nobles ont dû céder… La noblesse ne possède plus aujourd’hui ni la force ni la richesse, ni les talents de la nation ; elle a opposé à ses ennemis de la morgue plutôt que des arguments. Se cramponnant à ses chers privilèges qui datent de plusieurs siècles elle a rempli la Cour de ses cris, tandis que ses adversaires se sont emparés partout de l’entière confiance du public. Connaissant et sentant la force de cette situation, ils ont marché avec une audace qui peut sembler de la témérité à ceux qui ignorent la situation. Cette audace en a imposé à tous, car les chefs du parti opposé sont dépourvus de talents et de vertus. Le roi manque même de ce courage, qui, vous le savez, est indispensable dans les révolutions, etc.

On croit savoir que les troupes françaises refuseraient de servir contre leurs concitoyens, et les troupes étrangères ne sont pas assez nombreuses pour produire une sérieuse impression. Cet invincible instinct qui dicte à chaque animal la conduite correspondant à sa situation fait suivre aux habitants de cette ville le chemin qui aboutit à l’aurore de l’opposition américaine. Il y trois mois, la vue d’un soldat inspirait de l’effroi — on parle maintenant d’attaquer des régiments entiers, et de fait de fréquentes rixes se produisent avec les troupes étrangères. L’opinion publique, qui est tout, se fortifie ainsi tous les jours. Au moment où j’écris, je considère que le souverain effectif de ce pays, c’est l’Assemblée nationale ; car