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APPENDICE.

Lettre au général La Fayette.
Paris, 16 octobre 1789.
Mon cher monsieur,

J’ai pris la liberté, dans une conversation récente, d’exprimer mes sentiments sur les affaires publiques. Je sais la folie qu’il y a à exprimer des opinions qui ont l’air de conseils, mais la considération que j’ai pour vous, et mon très sincère désir de voir prospérer ce royaume, m’ont fait dépasser la limite que la prudence aurait tracée à quelqu’un de caractère moins ardent. Je ne vous demande pas de considérer ceci comme une excuse ; je désire au contraire que vous vous rappeliez, maintenant et plus tard, la substance de ces conversations. La marche rapide des événements vous aidera à apprécier la sûreté de mon jugement.

Je suis convaincu que la constitution proposée ne peut convenir au gouvernement de ce pays ; que l’Assemblée nationale, naguère l’objet d’un attachement si enthousiaste, sera bientôt un objet de mépris ; que l’extrême licence du peuple rendra indispensable d’augmenter l’autorité royale ; que dans de telles circonstances, la liberté et le bonheur de la France doivent dépendre de la sagesse, de l’honnêteté et de la fermeté des conseillers de Sa Majesté, et conséquemment que les hommes les plus capables et les meilleurs devraient être adjoints au ministère actuel ; qu’en ce qui vous regarde, vous devez veiller à ce que ceux qui y entreront soient sensibles à l’obligation qu’ils vous doivent, disposés à vous en récompenser, et d’un caractère à n’abandonner ni vous, ni leur souverain, ni leurs collègues au moment du danger ou lorsqu’ils y trouveront un avantage ; je considère l’époque actuelle comme critique ; si l’on n’y prend garde, de nombreux et irréparables malheurs doivent en résulter. Tels sont les présages d’un esprit qui ne se trouble ni ne s’alarme facilement, mais qui prend une grande part à ce qui intéresse ses amis, et est profondément attaché aux libertés du génie humain. Vous avez sûrement de bien meilleures sources d’information que moi.