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APPENDICE.

fonction. Ce qu’on lui laissera d’autorité effective dépendra du chapitre des accidents ; je crois que ce sera peu, mais, que ce soit peu ou beaucoup, la perspective d’un pareil roi et d’une pareille assemblée me rappelle des paroles mises par Shakespeare dans la bouche de deux vieux soldats, en apprenant que Lépidus, l’un des fameux triumvirs, est mort : « C’en est donc fini du troisième. Ô monde, tu n’as plus qu’une paire de mâchoires ; jette entre elles toute la nourriture que tu as, elles ne s’entre-déchireront pas moins mutuellement ». En ce moment, le peuple est bien déterminé à soutenir l’Assemblée, et, bien qu’il y ait des mécontents, je ne crois pas qu’il existe rien de sérieux en fait d’opposition. Il serait même étrange qu’il y en eût, car jusqu’ici chaque pas a été marqué par l’extension des privilèges et la diminution des impôts des classes inférieures. De plus, l’amour de la nouveauté adoucit beaucoup de choses dans les révolutions. Mais le temps viendra où la nouveauté n’existera plus, et tous ses charmes disparaîtront. À la place des impôts diminués, il faudra en remettre d’autres par suite de la nécessité de faire face aux charges publiques. Les administrateurs élus devront alors soit flatter leurs électeurs, ce qui sera ruineux pour le fisc, soit, en veillant à la rentrée des impôts, déplaire à leurs commettants. Selon toute probabilité, ils essaieront de faire les deux choses à la fois ; d’où il résultera des querelles et des animosités entre les différents districts, et grand malaise dans tout le royaume, car les rentrées doivent être inférieures aux prévisions pour le temps, sinon pour le total (ceci revient au même quand il est question de finances). Et alors, ou bien l’intérêt de la dette publique ne sera pas payé régulièrement, ou bien divers départements seront réduits à la famine ; probablement un peu de l’un et de l’autre. Il s’ensuivra la perte du crédit de l’État, causant un grand tort au commerce et aux manufactures, diminuant encore les sources de revenu, et affaiblissant considérablement les opérations extérieures du royaume. À ce moment, les esprits mécontents trouveront en abondance des sujets à exploiter, et dès lors l’avenir sera tout enveloppé des brouillards de l’incertitude. Si le prince régnant n’était pas aussi mou de caractère. Il est certain qu’en observant les événements et en s’en