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APPENDICE.

Ici une question importante surgit. Quelle sorte de gouvernement établira-t-on ? Les émigrés espèrent que ce sera leur chère aristocratie ; mais il est difficile de supposer que des rois s’efforceront d’établir à l’étranger ce qu’ils travaillent sans cesse à détruire chez eux, d’autant que la Révolution française ayant été commencée par la noblesse, l’exemple sera bien plus frappant si elle en devient la victime. Mais si les monarques alliés ont intérêt à détruire l’aristocratie, ils ont un intérêt encore bien plus grand et plus évident à empêcher l’adoption d’un système libre et bien équilibré. Un tel système s’étendrait inévitablement, et forcerait les puissances voisines à se relâcher de leur tyrannie. Si la cour de Berlin avait pu être insensible à cette vérité qui la touche de si près, les zélés réformateurs d’ici n’auraient pas permis aux ministres de Prusse de s’endormir dans le danger. Le désir de propager leurs opinions et de se faire des recrues les a conduits si loin que cette querelle, qui n’aurait pu être que politique, est devenue personnelle, et j’ai de bonnes raisons de croire, malgré le profond secret dont sont entourés les desseins de la grande alliance, que l’on a l’intention de remettre tout le pouvoir aux mains du roi. Les partisans irréfléchis de la liberté ont préparé cet événement. Dans leur ardeur à détruire les anciennes institutions, ils ont oublié qu’une monarchie sans degrés intermédiaires n’est qu’un autre nom pour anarchie ou despotisme. L’anarchie malheureusement existe à un degré inouï ; et telles sont l’horreur et la crainte qu’ont inspirées partout des sociétés licencieuses, que l’on a lieu de croire que la grande masse de la population française considérerait même le despotisme comme un bienfait, s’il était accompagné de la sécurité pour les personnes et les propriétés, telle qu’on la trouve sous les pires gouvernements de l’Europe. Un autre grand moyen d’établir le despotisme semble être la banqueroute nationale, qui paraît inévitable. Les dépenses du mois dernier ont dépassé les revenus d’environ 10 millions de dollars. Les dépenses continuent à augmenter et les revenus à diminuer. Les biens du clergé sont dévorés, et la dette est aussi grande qu’à l’ouverture des États géné-