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APPENDICE.

violé totalement la Constitution et d’avoir commencé la guerre civile. Le parti qui s’appelle indépendant, et qui est de fait le parti des peureux, demande instamment la paix, et saisit avec empressement tout ce qui en a l’air ou le nom. C’est pour attraper ces goujons que s’est jouée la scène de samedi. Le roi et la reine, croyant que les acteurs étaient sérieux et sachant que leurs vies étaient en jeu, en furent remplis de joie, et leurs timides conseillers, tremblant devant la puissance tyrannique de l’Assemblée, happèrent avidement l’hameçon de réconciliation qu’on leur jetait sans espérer qu’ils l’avaleraient. L’un d’eux, dont je vous ai parlé dernièrement comme d’un homme très digne, a vu à travers le voile très mince qui couvrait la fraude, et combattit mais sans succès l’opinion des autres. Les événements, en le justifiant, l’ont mis au premier plan. Aujourd’hui le roi commence une nouvelle carrière, et s’il va jusqu’au bout je crois qu’il réussira. J’ai tout lieu de croire que cette lettre vous arrivera en toute sûreté ; je ne puis pourtant prendre sur moi de vous parler plus ouvertement, car autrement la confiance que l’on a en moi pourrait, dans le cours des événements, devenir fatale à celui qui me renseigne.

Lettre à Jefferson.

1er août. — Dans ma lettre no 2, j’ai raconté que M. de La Fayette allait commencer une attaque contre la faction jacobine, et j’exprimais la crainte qu’il ne réussît pas. Je crois, en vérité, que si M. de La Fayette se montrait en ce moment à Paris sans être accompagné de son armée, il serait écharpé. Actuellement il semble évident que si la royauté n’est pas détruite, elle deviendra vite absolue. Je pense que les chefs de la Révolution ne voient pas d’autre manière d’établir les affaires du pays sur une base acceptable, et qu’en conséquence ils feront leur soumission à Sa Majesté, en donnant comme raison que l’Assemblée, et le club des Jacobins qui en est le maître, ont aboli la Constitution. Si ma lettre était interceptée, elle donnerait lieu à beaucoup de ce bruit et de ces folies auxquels il est désa-