Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101
année 1900

ne m’intéressent pas. Je n’aime que ceux qui regrettent, mais pour de bon. Les petits malheurs, les petites déceptions, les chagrins d’amour, par exemple, me rendent cruelle. J’aime les vrais déçus, les volés, ceux qui ont une grimace bien laide et convaincue à faire à l’existence.

Avoir lu tous les livres, respiré toutes les fleurs, caressé tous les animaux, vécu sous tous les climats, fréquenté toutes les races, goûté à toutes les joies et toutes les mélancolies, connu toutes les admirations et toutes les lucidités, n’avoir plus en mourant qu’à jeter une écorce sucée et tordue de main de maître. Ainsi soit-il !


13 mars.

Ces cahiers : la collection de mes migraines mentales. Non pas que je les renie, je ne suis que ce qu’ils disent, mais je n’ai la patience de revenir sur ma vie présente que dans mes mauvais moments. Autrement je travaille et je fonce en avant.

Aurai-je la patience de les relire ? Allons donc, jamais !… si l’on ne se demandait en même temps quel effet cela produirait sur d’autres. Je ne ferai rien pour que ceci soit publié, mais je veux que ce soit publiable. J’avoue cyniquement que j’ai besoin des autres parce qu’au fond il n’y a qu’eux, et qu’il