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ANNÉE 1900

vous prend à chaque dernier arbre. Au bout d’une demi-heure, l’état d’âme commence à évoluer. On respire de toutes ses narines, la fatigue disparaît, on s’allège extraordinairement et l’on espère avec violence. Le ferme propos croît de minute en minute, la volonté s’étire et montre toutes ses dents. Les déterminations se succèdent, précises, intelligentes et l’heure sonnée on rentre souple, reposée, avec des yeux qui dévorent tout et une bienveillance charmante pour ceux dont on n’a pas besoin.

Quand on ne peut pas se distraire par le bonheur il faut se mouvoir. Le mouvement est ce qui ressemble le plus à la joie.


30 mai.

J’ai fait venir tous les Barrès. Il aime tous ceux que j’aime, l’Impératrice d’Autriche et Marie Bashkirtseff, mais ses livres sont trop jeunes ; ils n’ont pas la « sincérité de la mort». Barrès vaudrait de connaître les vrais contretemps, il ne s’est pas encore ennuyé, son mépris l’amuse trop.

Je sais que mon abus intensif de la solitude n’est pas la condition la meilleure pour bien mépriser les autres, mais j’ai besoin des Barbares.

C’est toujours la même histoire : « Dans le monde tous les retours sont pour le couvent. Au couvent