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ANNÉE 1901


15 octobre.

À mesure que je me suis rendue, cela me frappe de me trouver encore jeune. L’humanité me revient un peu, je commence à regretter le bonheur ; je le voudrais toujours distingué par tout le reste, mais enfin je l’aimerais.

Je lis avec délectation les lettres du P. Didon à sa fille très unique. Bien dominicaines, bien naïvement oratoires, mais peu d’humilité et cela change. Une belle audace de prédilection, une confiance admirable de paternité despotique, une superbe exigence d’apôtre servi par Magdeleine ! Et des mots qui attendrissent, des mots qui réfugient leur humanité dans la robe du Christ et le manteau noir dominicain. « Je vous bénis avec une tendresse infinie et je vous envoie mon affection profonde sur l’aile de cette brise, qui entre par ma fenêtre et qui vient des hauteurs immaculées du glacier. »

Elle ne me déplaît pas, à moi, cette aventure passionnée à travers les deux bures blanches d’un ordre expiatoire. Comprenez-vous les regards de ces religieux, épris de leur beauté divine, de ces deux êtres qui ne se touchent pas ? « Je vous ai réservée à Dieu auquel seul, entendez-vous, vous devez appartenir, et le chef-d’œuvre se fera. »