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JOURNAL DE MARIE LENÉRU


4 mars.

« Vous vivez toujours dans deux ans. » Quand je cesse mon regard à cent mètres, quand je vois où j’en suis et ce qu’il y a derrière. Pour éviter les mouvements sismiques, je pense à une grande duchesse de Russie qui, elle aussi, dut attendre, attendre impérialement. « Dix-huit années d’ennui et de solitude lui firent lire bien des livres. »

« Que m’importe le soir,
Puisque mon âme est pleine
De la vaste rumeur du jour
Où j’ai vécu.
Que d’autres, en pleurant,
Maudissent la fontaine
D’avoir entre leurs doigts
Écoulé son eau vaine,

Où brille au fond l’argent de quelque anneau perdu.



Le souvenir unit, en ma longue mémoire,
La volupté rieuse au souriant amour.
Et le Passé debout me chante, blanche, ou noire,
Sur sa flûte d’ébène ou sa flûte d’ivoire,
Sa tristesse ou sa joie au pas léger ou lourd.