Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/310

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
JOURNAL DE MARIE LENÉRU

pensée, comme autrefois à Versailles toutes les affaires d’Europe.

« Ô existence ! tu n’attaches que par le passé et tu n’intéresses que par l’avenir. Le moment présent, transitoire et presque inaperçu, ne vaudra que par les souvenirs dont il sera peut-être un jour l’objet. » (Anne de Coigny, cité par Maurras dans l’Avenir de l’Intelligence).


15 mai.

Il est inouï que je n’aie pas encore trouvé le travail que je puisse aimer. La déviation littéraire était peut-être moins prévue chez moi qu’on pourrait le croire. Il faudrait y venir pourtant, car cela seul « marquerait assez pour mesurer le temps que j’ai vécu ». Cet hiver, par exemple, a compté pour moi comme une semaine.

J’ai tellement regardé passer le temps, je l’ai tant mesuré que je sais, je sens, combien pèse ce qui en reste. J’en ai la représentation parfaite, enfin je peux le concevoir au sens où les philosophes disent que ce n’est pas possible.

Et ce temps, si merveilleusement observé, ne m’a rien appris de moi, ne m’apporte pas une idée, un renseignement. Quand je veux à mon tour me concevoir, je dois retourner à l’enfance, c’est à l’aide de