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PERRIN

est difficile, et je crois bon de détailler les précautions qui m’ont permis d’arriver à un résultat que les plus éloignés d’entre vous trouveront sans doute encore insuffisant. On forme dans la préparation l’image d’un arc électrique (ou mieux du soleil), en arrêtant par une cuve pleine d’eau la plus grande partie des rayons calorifiques non lumineux. Les rayons renvoyés par les particules traversent, comme pour l’observation directe, un objectif à immersion et un oculaire à fort grossissement, et sont alors rabattus horizontalement par un prisme à réflexion totale de façon à donner l’image des grains sur un écran de verre dépoli (quadrillé de préférence, pour avoir des repères), au delà duquel vous vous trouvez. La lumière est ainsi mieux utilisée qu’avec un écran ordinaire qui en diffuserait une grande partie dans des directions où ne se trouve aucun observateur. Le grossissement peut s’élever utilement à 10 000 diamètres.

Mais il faut surtout se procurer une émulsion appropriée. Dans les rares essais de projection qu’on a faits jusqu’à présent, le diamètre des grains était de l’ordre du micron, et leur image est difficilement perceptible au delà de 3 mètres (du moins avec la lumière de l’arc). Des grains moins gros sont encore moins visibles, et l’on est conduit à cette conclusion qu’il vaut mieux projeter des gros grains que des petits. Il est vrai que leur agitation est moins grande, mais elle reste encore très suffisante pour qu’on puisse reconnaître ses caractères essentiels.

Il faut donc savoir préparer des particules dont le diamètre soit de plusieurs microns, et cela est également désirable en ce qui regarde l’étude expérimentale proprement dite du mouvement brownien. Je vous dirai dans un instant comment je suis parvenu à obtenir de gros grains sphériques de gomme-gutte ou de mastic. Avec de tels grains, dans cette salle, où l’on a fait une obscurité rigoureuse, vous pouvez déjà percevoir le mouvement brownien à 8 ou 10 mètres de l’écran.

2. Ce mouvement singulier attira d’abord peu l’attention. Il resta d’ailleurs longtemps ignoré de la plupart des physiciens, et l’on peut supposer que ceux qui en avaient entendu parler le croyaient analogue au mouvement des poussières qu’on voit danser dans un rayon de soleil, sous l’action des faibles courants d’air que provoquent de petites différences de pression ou de température.

Il est difficile de fixer avec précision comment est d’abord apparue