Page:Journal des économistes, 1844, T8.djvu/308

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pu voir que la plupart de ces résolutions ont été puisées dans les cahiers des charges des chemins français. Ce que demande l’Angleterre, c’est donc simplement ce que nous possédons en France, et l’exemple est mal choisi pour demander des innovations.

Mais il y a contre la prétention de remettre toute l’exploitation des chemins de fer à l’État, des objections plus réelles, plus palpables, plus actuelles, et M. Dumon les a fait valoir en peu de mots.

« Vous connaissez tous, a dit le ministre, notre situation financière ; nos ressources ont été calculées jusqu’en 1854, et il est difficile, d’ici à cette époque, de se livrer à d’autres dépenses que celles qui ont été prévues. Ainsi vous avez, il y a quelques jours, refusé d’établir un fort sur la rade du Havre, bien que son utilité fut démontrée, et cela pour ne pas excéder nos ressources financières ; et c’est dans cette position, qu’on veut consacrer 400 millions à un emprunt nouveau destiné à être la proie de la voie de fer ! Est-ce qu’il n’y a plus en France de canaux à ouvrir, de rivières à perfectionner, de routes royales à construire ? Est-ce que le Rhône ne demande rien pour contenir son cours si désastreux depuis quelques années ? La liste serait longue si je voulais la compléter. Tous ces travaux-là, veut-on les ajourner ? Qu’on le dise alors et qu’on en prenne la responsabilité.

« En 1848, les découverts du Trésor seront comblés, les travaux des chemins de fer auront été payés au moyen de la dette flottante, et on pourra les consolider au moyen des ressources de la réserve de l’amortissement ; les 600 millions qu’il vous faudra pour cela, vous coûteront 25 millions par an. Est-ce le cas de charger encore le Trésor de 20 millions d’intérêt et d’amortissement pour l’emprunt de 400 millions qu’on vous propose ? »

Lors de la présentation de la loi de juin 1842, le Journal des Économistes a abordé la question financière. Les termes de cette question sont restés les mêmes, et l’on peut, aujourd’hui comme alors, apprécier dans quels embarras une dépense nouvelle jetterait le pays. La seule question qu’on puisse poser est celle-ci : les ressources actuelles sont-elles suffisantes pour obtenir le résultat cherché par l’administration ? Quelle imprudence n’y aurait-il pas à doubler les dépenses !

Ainsi que le rappelle M. le ministre des travaux publics, la Chambre a rejeté, il y a quelques jours, une allocation pour commencer au Havre les travaux d’un fort placé sur le banc de l’Éclat, et dont M. Arago appuyait la construction. La ville du Havre se trouve dans une singulière position : son port, le deuxième de France, est souvent inaccessible pendant de longs jours ; ses fortifications sont enfermées, et si la guerre était déclarée, ces deux inconvénients réunis feraient du Havre un désert. — Un crédit de 4 millions et demi vient d’être ouvert pour la réparation de ces fortifications cachées, mais maigre l’avis de M. Arago, celui de M. Paixhans, et l’opinion bien connue de l’amiral Baudin, la seule dépense urgente, celle d’un fort destiné à tenir l’ennemi au large, a été écartée. Heureusement que la force des choses pousse le Havre dans les voies du progrès. Grâce à la ligne de fer qui va le joindre à la capitale, le Havre va voir se développer sa prospérité déjà si grande, il entraînera les retardataires dans son tourbillon, et ports, bassins, docks et fortifications devront soumettre leurs forces, leur place et leur grandeur aux gigantesques proportions commerciales de la ville du Havre.