Page:Journal des économistes, 1844, T8.djvu/417

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sace émigré en masse, et les Alpes disparaissent sous l’influence des plus terribles des niveleurs, les torrents.

Le droit d’octroi, l’impôt le plus juste peut-être au fond, mais le plus vexatoire dans sa forme et dans sa répartition, a déjà causé en France bien des victimes. Les derniers troubles de Pontivy ajoutent une page à cette triste histoire. Il est bien regrettable que les villes ne trouvent pour leur entretien aucune ressource autre qu’un impôt perçu à la porte, sur les denrées de première nécessité. On dit, il est vrai ; qu’en France toutes les contributions directes sont accaparées par l’État, et qu’en Angleterre, au contraire, elles sont destinées aux dépenses locales. Le fait est vrai ; mais ce n’est pas la forme, c’est la quotité de l’impôt qu’il faut considérer, et certes il y a encore place pour une contribution directe destinée à l’entretien du pavé, du gaz, de l’eau, aux dépenses locales en un mot. Il s’agit d’une mutation, d’ailleurs, et non d’un impôt nouveau. Dégrevés du droit d’entrée actuel, les habitants se soumettraient à un impôt nouveau. Ce n’est pas la dépense qu’ils redoutent, c’est le mode de recouvrement. Nous le demandons à tous ceux qui ont voyagé en France par chemin de fer, y a-t-il rien de hideux, de révoltant, comme la visite de mille malles entassées par les employés de l’octroi ? À la suite d’un voyage de 34 lieues en 3 heures et un quart, n’est-il pas désolant d’être obligé de s’arrêter trois quarts d’heure dans une salle encombrée ; de défaire toutes les courroies, d’ouvrir toutes les malles, afin qu’un employé puisse à son aise y chercher une tranche de lard ou un morceau de fromage ! En vérité, il faut être né sous un tel régime pour ne pas tomber d’étonnement à l’aspect de cet affouillement dégradant. Qu’on prenne la peine de s’arrêter aux barrières de Paris à l’entrée de l’automne ; des files de voitures de déménagement attendent la visite ; le préposé s’avance, il ordonne de décharger la voiture, et bientôt vous voyez, étalés au beau milieu du pavé, les commodes, les bois de lit, les secrétaires, les fauteuils, les tables, et mille meubles honteux de se trouver au grand jour. Et tout cela est nécessaire ; il faut bien voir si dans ces meubles divers ne se cache pas quelque tranche de lard, quelque morceau de fromage ! Et si la pluie survient ? Qu’importe ! le propriétaire perdra 1,000 fr. peut-être de réparation de meubles ; voyez quel bénéfice, et combien est grand l’intérêt qu’il a à dérober au droit la tranche de lard, le morceau de fromage qui met tout ce monde en émoi !

Mais ce sujet est grave, et nous avons tort de le traiter légèrement. L’un de nos collaborateurs, du reste, est plus compétent que nous en ces matières ; appelons seulement son attention sur la forme de la perception.

M. Cousin a fait à l’Académie française une proposition qui l’honore ; il s’agit d’un prix pour l’éloge de Turgot. Le livre de ce grand homme (publié par l’éditeur de ce journal) a rappelé le souvenir de ses bienfaits. Nous aimons à voir l’Académie française prendre l’initiative en cette circonstance ; l’éloge de Turgot, c’est l’éloge de toutes les idées généreuses, l’éloge de l’égalité devant la loi, l’éloge de l’économie politique appliquée enfin au gouvernement des nations ; c’est, pour le dire en un mot, l’éloge de la révolution française que Turgot prépara.

Nous regrettons que l’espace nous manque pour insérer dans ce cahier le compte rendu par l’un de nos collaborateurs de l’édition de Turgot qui vient de paraître. Là aussi, comme dans la notice de M. Daire, dont M. Passy a rendu compte, Turgot est apprécié à sa haute valeur.