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Page:Journal des économistes, 1845, T11.djvu/429

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ORGANISATION DU TRAVAIL. 423

souvent les questions suivantes : — Pourquoi ne veut-on pas organiser le travail ? — Ah ! si l’on organisait le travail ! Nous l’avons dit, il y a jusqu’à des députés qui ont fait chorus avec ces travailleurs honorables : M. Arago croit qu’il y a lieu d’organiser le travail ; M. Bethmont a parlé pour préluder à cette organisation ; M. Ledru-Rollin est en mesure de l’organiser quand on voudra.

Avant d’aller plus loin, qu’il nous soit permis de recueillir nos souvenirs, et de rappeler que la formule de l’organisation du travail signifie tour à tour, et souvent chez les mêmes hommes : 1° des améliorations successives au fur et à mesure que la science démontre des vérités et que la société est en état de les appliquer ; c’est le sens que nous avons trouvé dans les écrits de quelques économistes datant d’il y a quinze ans ; 2° des améliorations successives au point de vue de tous les partis ; progrès en avant pour les uns, progrès en arrière pour les autres ; quelque chose de bien vague pour tous ; 3° des améliorations en général aussi efficaces qu’instantanées, selon un système nouveau, net et tranché, améliorations dont le sens varie avec la nature des systèmes, qui peuvent se compter à la douzaine.

Qu’est-ce que l’organisation du travail, d’après M. Louis Blanc ? C’est une réorganisation de ce qui est. Pour lui, c’est plus qu’une amélioration successive et raisonnée des lois économiques qui régissent la société ; c'est une refonte générale et à peu près absolue. Par organisation du travail, il entend un système complet qu’il a inventé, qu’il appelle « notre système » , et qu’il a consigné dans un ouvrage spécial qui sert de base à notre critique. Cet ouvrage a eu quatre éditions ; il est aujourd’hui considérablement augmenté, précédé d’une introduction, et suivi d’un compte-rendu d’une entreprise de peintures en bâtiments, où l’auteur croit son système appliqué.

Le livre de M. Blanc est ouvertement dirigé contre la concurrence. L’auteur s’attache d’abord à prouver que la concurrence est pour les classes ouvrières un système d’extermination, et pour la bourgeoisie une cause sans cesse agissante d’appauvrissement et de ruine. Puis il conclut de ces prémisses qu’il y a lieu de réorganiser la société sur de tout autres bases, et il expose son système.

Pour présenter sa première thèse , M. Louis Blanc groupe plusieurs des faits que la statistique nous a révélés sur l’état de quelques classes de la société et conclut beaucoup trop du particulier au général. Il ne méconnaît pas les inconvénients provenant de l’excès de population ; mais si la misère est « horriblement prolifique », c’est la concurrence qu’il en rend responsable. N’est-ce pas aller trop loin ? D’abord, s’il est vrai que la concurrence soit cause de misère, M. Louis Blanc ne prouve pas que la liberté de l’industrie soit cause de concurrence ; il confond seulement ces deux notions. Quant à la concurrence acharnée, elle ne peut être que cause intermédiaire de la misère : il y a une autre cause qui lui est supérieure, c’est le principe de population, contre lequel on n’a pas encore assez appris aux classes pauvres à se prémunir. Sans doute « la misère est horriblement prolifique » ; mais est-ce bien en tant que misère matérielle seulement, ou bien en tant qu’ignorance ou misère morale, laquelle ignorance obscurcit le jugement et fait méconnaître la prévoyance ? Il y a là, on le voit, deux ordres d’idées bien distincts : l’un qui conduit à la suppression de la misère pour diminuer la fécondité du pauvre, qui multiplie les concurrents, et l’autre qui conduit à l’instruction du pauvre sur le danger que lui suscite sa fécondité. M. Louis Blanc suit trop absolument le premier.