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pour prévenir à l’avenir, disait-il, les embarras qui lui avaient fait suspendre le payement de ses billets au porteur, il en changea l’administration par une loi qu’il fit rendre le 22 avril 1806.

Par cette loi, l’administration de la Banque fut donnée à un gouverneur (Jaubert) et à deux sous-gouverneurs, tous trois à la nomination du chef de l’État, mais qui devaient compte à l’assemblée des actionnaires, représentés par 200 des plus forts intéressés d’entre eux.

En même temps, le capital de la Banque, qui était composé de 45 mille actions à mille francs, fut porté à 90 mille actions formant un capital de 90 millions.

Les besoins du public qui, disait-on, réclamaient de plus forts escomptes, et la dessein qu’il manifestait de prendre des actions dans cet établissement, furent le motif apparent. Le motif réel fut, de la part du gouvernement, la facilité, que cet accroissement du capital de la Banque lui présentait pour obtenir de plus fortes avances.

Les nouvelles actions furent vendues avec avantage au profit de l’établissement. Le crédit et la puissance du gouvernement étaient portés au comble paie des succès inespérés.

Le gouverneur de la Banque exerçait une grande influence sur le conseil d’administration, composé de gros négociants, dont les uns obtenaient des décorations, les autres des faveurs commerciales, les autres des places pour leurs protégés. Cette influence n’était pas forcée, mais insurmontable. Les caractères fermes et qui méprisaient les avantages qu’on peut retirer du crédit se trouvaient en minorité dans toutes les délibérations. Le capital de la Banque fut, sous différentes formes (soit en 5 pour 100 consolidés, soit en obligations du Trésor et des receveurs de contributions), presque entièrement confié au gouvernement ; mais en même temps, on se défendait autant qu’on pouvait de lui prêter des billets au porteur, lesquels n’ayant pour gage que des engagements non exigibles du gouvernement, n’auraient pu être remboursés à présentation.

Par un décret impérial, rendu à Bayonne le 18 mai 1808, on voulut donner une nouvelle extension aux opérations de la Banque, en l’autorisant à établir des comptoirs dans les principales villes des départements. On commença par en établir à Lyon et à Rouen. Ces comptoirs mirent en circulation des billets et prirent des lettres de change à l’escompte ; les négociants de ces deux villes, moins confiants que ceux de Paris, profitèrent de la facilité des escomptes, mais firent peu d’usage des billets. Presque tous ceux qui étaient émis revenaient à remboursement ; et il est à remarquer que ce n’est guère qu’à Paris que les billets au porteur, soit de l’ancienne caisse d’escompte, soit de la Banque, ont jamais eu un cours assuré. Les principales maisons de commerce des départements ne les refusent pas, parce qu’elles en connaissent la solidité, mais elles sont obligées de les remettre à leurs correspondants de Paris.

En 1814, lorsque la France, divisée d’intérêts et d’opinion, fut envahie par toutes les armées de l’Europe, le gouvernement obligea la Banque de lui faire des prêts extraordinaires. À cette époque, ses billets et ses engagements exigibles excédèrent d’environ 20 millions son numéraire et ses effets à courte échéance. En conséquence, le 18 janvier, lorsque les porteurs de billets, poussés par la crainte, se présentèrent en foule pour obtenir le remboursement de leurs billets, elle fut obligée, non d’en suspendre complètement le payement,